On a réécrit la charte du collectif ♡⊂(◉‿◉)つ

Le collectif dans les grandes lignes
Pourquoi on a créé Bagarre ?

En 2022, nous avons voulu créer une alternative toulousaine aux féminismes qui nous ont longtemps méprisé‧es, muselé‧es, violenté‧es quand on remettait en question leurs racismes, leur transphobie, leur hétéronormativité, leur putophobie, leur amour de la prison, des keufs et de la réforme.

On en pouvait plus de leur désintérêt et de leur mépris pour des oppressions considérées comme secondaires telles que la grossophobie, l’âgisme, la domination adulte ou le validisme. En plus de perpétuer des oppressions dans les luttes féministes, tout ça empêche de comprendre comment les dominations se nourrissent entre elles.

Bagarre est une tentative de s’organiser entre personnes marginalisées et ciblées à l’intérieur des féminismes, parce que jamais assez bourges, blanches, valides, cis ou hétéros, sages et dociles.

On veut lutter pour un féminisme anarchiste qui bouscule et attaque les féminismes libéraux, réformistes et fémonationalistes, grâce à l’action directe et la solidarité.

Bagarre, c’est aussi le refus d’être marginalisé•es et isolé•es à l’intérieur des luttes d’extrême-gauche, qui prônent une culture viriliste, nient notre capacité d’action, ignorent tout de nos vécus, nous réduisent à leurs clichés et nous sexualisent.

C’est notre moyen de lutter localement contre la tokenisation et l’instrumentalisation de nos vécus et de nos luttes au profit des systèmes et des guerres qui oppriment. Nos vies ne seront ni leurs paniques morales, ni la justification de leurs crimes. Nous refusons de fermer nos gueules et nous emmerdons les silences.

Pourquoi réécrire la charte ?

En 2 ans, le collectif a été traversé par de nombreux rapports de force, des remises en questions, des départs et des changements dans nos visions et pratiques.

Nous avons réécrit notre charte et mis au clair nos positionnements, pour celleux qui s’interrogent et celleux qui souhaiteraient nous rejoindre. Le collectif sera toujours traversé par des réflexions auxquelles on souhaite donner une grande place. Ce texte sera modifié et réécrit, pour faire transparaître ça au maximum.

La forme de l’organisation est aussi souvent rediscutée, notamment en AG. Les propositions sont toujours bienvenues pour lutter contre les hiérarchies, les prises de pouvoir ou les dominations.

Nos bases politiques

Féminismes blancs bourges cishet aux chiottes

Nous refusons de nous inscrire dans la ligne militante de groupes féministes qui se sont bâtis sur la cis-hétéronormativité sans jamais la questionner. Lutter seulement pour l’émancipation des femmes cis blanches dans des couples hétéro, c’est l’autoroute vers les féminismes réformistes, voire réactionnaires.

Nous refusons ces féminismes qui cherchent à renégocier pour mieux imposer la famille nucléaire et le couple hétérosexuel, sans questionner radicalement la culture du viol et de l’inceste. On ne veut pas de ces féminismes moraux qui érigent les daronnes en saintes, les femmes voilées en soumises, les prolos en bonnes à tout faire et les putes en parasites. Ces féminismes qui ignorent que penser l’émancipation sans jamais penser l’abolition du régime cishétérosexuel, colonial, raciste et capitaliste, revient à maintenir l’ordre établi.

Notre féminisme considère également que nous, personnes queers, trans, intersexes, gouines, bi‧es, pédales ne sommes pas exempt‧es de ces biais. Dans nos espaces et nos relations, de nouvelles hiérarchies se créent et les réflexes essentialisants ne sont jamais loin.

Une des choses contre lesquelles on a envie de se battre plus que tout est la culture du viol qu’on retrouve à plein d’endroits : par exemple dans l’injonction au sexe comme synonyme de révolution, dans l’idéalisation des relations T4T et queers lorsqu’elles reproduisent des codes (trans-)misogynes et fétichisants, la vision des VSS comme ne pouvant être produites que par les personnes à pénis …

Poser le queer comme solution aux violences patriarcales tout en ignorant l’ensemble des dominations qui s’y jouent est une impasse.

Face à tout ça, notre collectif est riche de vécus, de visions et de stratégies de lutte contre le cishétéropatriarcat et on a pas envie de lisser toutes ces réalités !

Nous partageons en revanche toustes l’objectif de construire par la lutte des alternatives révolutionnaires en faisant face collectivement aux violences qui s’y produisent inévitablement.

Plus jamais le silence : justice et transformation collective

En 2023, on a publié la brochure Ceci n’est pas un call out qui a été pas mal critiquée, à raison parfois. Voici ce dont nous sommes sûr‧es aujourd’hui : nous souhaitons nous réemparer des pratiques de justice transformatrice. Être dépossédé‧es des moyens pour faire justice, c’est s’en remettre aux keufs et à la justice punitive, et c’est de la merde.

Pour autant, il n’y a pas de solution facile et la justice restauratrice/transformatrice est régulièrement instrumentalisée par des personnes qui ont commis des violences, ou par leur entourage. Dans ces moments-là, on observe que rien ne se passe pour les victimes, ou pire que les personnes qui ont subit les violences s’en vont et s’isolent. On a vu ces situations se répéter dans des milieux militants virilos ou à majorité blanche par exemple, quand des violences sexistes/racistes ont eu lieu et que les adelphes ont été contraint·es à la fermer.

Contre ça, on veut conserver des outils d’autodéfense pour sortir du silence. Quand la domination est trop importante, parler plus ou moins publiquement des violences qu’on vit permet d’enclencher un rapport de force et un processus de réparation.

Dans la commu queer, on se positionne fermement contre toute forme de transmisogynie et c’est un gros point de vigilance qu’on a concernant la pratique du « call-out ». Call-out des queers et/ou des meufs trans est un échec politique et communautaire. Par contre, on reste fermement opposé‧es à la culture du silence autour des violences. On veut créer la possibilité d’en parler sans mobiliser de rhétoriques transmisogyne, LGBTIphobe, validiste, classiste, raciste …

Sortir du silence ne doit jamais revenir à exclure une personne de tous ses espaces de sociabilisation. Ça doit signifier faire face en tant que collectif, et que tout le monde prenne sa part de responsabilité dans la violence survenue. Les réactions du groupe face à une violence, même normalisée par la société (genre un commentaire sexiste ou raciste), témoignent de la volonté de perpétrer les systèmes d’oppressions ou non.

Pour nous, le travail de transformation collective doit avoir lieu à la moindre violence décelée : ça peut passer par s’interroger sur les biais qui ont permis aux violences d’arriver, sur les silences collectifs, par aider les personnes victimes à mettre des mots, à passer des appels, envoyer des messages, à nommer leurs besoins, rédiger des textes, aller en manif, former les gens … Le tout est que la violence ne reste jamais le problème de la personne qui l’a vécue et de celle qui l’a commise.

On est aussi vigilant•es sur les dérives qui entourent la justice transformatrice/restaurative. Du genre les récupérations néolibérales et coloniales de principes d’autodéfense et de justice transformatrice, la monétisation avec des assos “spécialisées” qui font payer la médiation, (sauf que réparer en dehors de la communauté, c’est déposséder le collectif de la justice), les cadres flous où les victimes finissent avec l’injonction de faire de la pédagogie et du care, les approches spirituelles très moralisantes et essentialisantes …

Crame la taule oui, mais aussi le suprémacisme blanc !

Dans les milieux féministes, on entend beaucoup parler d’émancipation des meufs, des minorités de genre et de libération des corps, mais rarement/jamais de celle des peuples colonisés. Les discours sont souvent tenus par des blanc‧hes pour des blanc‧hes qui ne se gênent pas pour faire l’impasse sur leurs biais racistes, islamophobes et coloniaux.

Il est dur d’y dénoncer le rôle des meufs blanches dans la colonisation, son pinkwashing, l’émancipation des bourgeoises basée sur l’exploitation d’autres meufs/personnes racisées (coucou le yoga et les femmes de ménage), le mépris pour les personnes portant le voile et la fétichisation des luttes des femmes noires ou arabes, ou encore le blanchiment des luttes contre la taule.

On se bat pour créer un collectif en rupture avec ces dynamiques. Malgré une majorité blanche, on ne veut pas faire de l’antiracisme une lutte avec laquelle on converge, mais bien une lutte prioritaire, présente et incarnée au sein de nos espaces.

Localement, c’est important de nous impliquer activement dans les luttes des personnes victimes des politiques occidentales racistes, impérialistes et coloniales selon leur termes (manif, actions, aide matérielle …). Qu’elles se trouvent en France, ou ailleurs, en Palestine, au Liban, au Soudan, en Kanaky … Nous soutenons la lutte du peuple palestinien face aux politiques sionistes et leurs soutiens en France.

Nous sommes de ce fait pour l’abolition de la police, de la prison, des frontières, des outils de contrôle social et de l’enfermement sous toutes ses formes.

Nous sommes en rupture avec le féminisme anticarcéral qui puise ses racines dans des réflexes suprémacistes blancs, sans reconnaître le caractère avant-tout raciste de la taule. Nier que les outils d’enfermement et de répression sont de base faits sur mesure pour maintenir un ordre colonial laisse planer une menace permanente sur les personnes racisées.

« Oui mais on fait quoi des violeurs alors ? » : ceux qui sont en taule y sont avant tout parce qu’ils sont racisés et prolos. Depardieu, Polanski, Gérald et ton vieux daron se portent extrêmement bien. La prison n’est d’aucune aide dans l’abolition du patriarcat.

Bye bye les héritages militants virilistes, classistes et racistes

Ni la violence, ni la théorie politique, ne sont une fin en soi pour nous. Dans le collectif, tous les modes d’actions sont importants, précieux et complémentaires. Nous nous tenons loin des espaces qui fétichisent les actions dangereuses sans prendre en compte les réalités des militant‧es et leurs vulnérabilités. Nous refusons de nous assoir à la table de celleux qui nous coupent la parole, relèguent aux personnes dominées les tâches de care et invisibilisées, pourtant nécessaires, nous humilient en réunion, ou portent un regard misérabiliste sur nos existences.

Ceci dit, prôner la non-violence à tout prix serait déconnecté de la réalité, car la violence est parfois le seul moyen d’inverser le rapport de force. Nous ne rejettons pas les actions qui auraient pour objectif de faire perdre aux fachos ​​2 ou 3 dents, mais nous voulons sortir des logiques virilistes. Nous préférons parler d’autodéfense (féministe, populaire, antiraciste etc.).

Nous souhaitons construire notre sécurité sur la solidarité et la diffusion de pratiques d’autodéfense et d’antirépression. Grâce à ces pratiques collectives, nous voulons donner la possibilité à celleux qui le veulent de se réapproprier une violence longtemps confisquée. Même si c’est un parcours difficile quand on la subit chaque jour.

De la même manière, devoir lire des bouquins de théorie politique, se coltiner des formations scolaires, utiliser des références militantes à tout va pour avoir de la crédibilité, ou participer à des AG interminables peut être d’une grande violence pour des personnes qui galèrent dans leur vie. C’est une forme de virilisme, de classisme, de validisme et de racisme, qui contribue à ce qu’on retrouve toujours les mêmes profils de gens dans les organisations militantes.

Bref, on veut construire un espace où il y a de la place pour tous les modes d’actions, que tu te sentes à l’aise de taper du transphobe, de rédiger une brochure trop longue de 50 pages, ou que tu gères pour la préparation d’une marmite de 20 kg de dahl !

A l’intérieur du collectif, on se pose aussi beaucoup la question de comment recevoir de la violence lorsqu’on se retrouve en position de domination. Oui, nous sommes rassemblé‧es en tant que personnes ciblées par le patriarcat, mais on est aussi racisé•es, handi•es, fols, gros•ses … et on a pas envie d’invisibiliser le fait qu’on peut produire de la violence entre nous et que c’est dur d’être confronté•es dessus parfois.

On cherche au mieux l’équilibre, entre rapports de force et soin collectif. On apprend à recevoir la colère ou les émotions de personnes sur qui on peut exercer de la domination, et à se remettre en question. On fait au mieux pour survivre dans ce système de merde et c’est important pour nous de prendre soin les un‧es des autres, tout en ouvrant nos gueules.

Intégrer le collectif et s’y investir

C’est quoi notre non-mixité ?

La non-mixité est un outil précieux, mais aussi un sujet de débats importants dans le milieu militant. En 2022, Bagarre s’est créé en mixité sans mecs cis. Aujourd’hui, on ne la trouve plus pertinente, confortable uniquement pour les féministes cishet et blanches, souvent brandie comme un label de safeplace. Cette mixité essentialiste est transphobe, particulièrement transmisogyne. Elle est souvent conçue par les féministes cis comme une mixité choisie « entre chattes » et repose sur leur jugement du passing des personnes trans. Elles s’octroient le droit de décider qui subit assez le partriarcat pour militer à leurs côtés.

On s’est donc tordu le cerveau pour essayer de trouver une non-mixité qui nous correspondait et, spoiler : on a rien trouvé.

Désormais notre non-mixité sera politique avant tout : on veut se retrouver entre personnes anarcha-féministes qui se mangent le patriarcat dans les dents et qui ont connu la marginalisation, parce que pas blanc‧hes, pas diplomé‧es, pas cis-hétéronormé‧es, trop fol·les, trop handi‧es, ou trop gros‧ses.

On veut militer entre personnes qui ont des galères, des pratiques et des objectifs communs. C’est comme ça qu’on construit avant tout la confiance entre nous.

Comment nous rejoindre !

Pour intégrer le collectif, tu peux nous contacter par mail (bagarretoulouse@riseup.net), en filant ton blaze/pronom et tes dispos sur les prochaines semaines. De notre côté, on reviendra vers toi pour organiser une entrevue avec deux membres de Bagarre et toi. C’est possible de nous faire part de besoins spécifiques (accessibilité, mixité de la rencontre …)

Pendant la rencontre, on présente le collectif. Tu peux nous dire de ton côté ce qui te donne envie dans le fait de rejoindre le collectif, les questions qui t’intéressent, le temps que t’as envie d’y consacrer, tes besoins et limites, tes craintes et autres questions ! On peut se revoir si besoin de clarifier des choses d’un côté ou de l’autre.

De notre côté ça nous permet d’assurer un minimum de sécurité au sein du groupe et d’en faire un espace où on peut avoir confiance en chacun·e. C’est toujours plus simple lors de cette première rencontre d’échanger selon une base commune, c’est pourquoi on recommande fortement une lecture de notre charte en amont, afin de faciliter la discussion.


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