En ouvrant un blog, nous souhaitons proposer et visibiliser une alternative aux réseaux sociaux.
D’abord, parce que tout le monde n’a pas Instagram : nous souhaitons être incluant·es et parler au plus grand nombre. Aussi, nous ne souhaitons plus participer à faire passer Instagram pour un outil incontournable de la lutte, et contribuer aux logiques de dépolitisation de l’actualité et d’individualisation de la lutte permises par les réseaux sociaux. Il est aussi question de créer des archives plus pérennes qu’un réseau pratiquant la censure à tout va et pouvant supprimer une page du jour au lendemain.
Pour cela nous souhaitons donc proposer des alternatives aux outils capitalistes, dont un blog !
Ce choix est motivé par des raisons de sécurité également puisque Noblogs est un serveur indépendant militant pour l’internet libre. Basé en Italie il est aussi plus compliqué pour les keufs de saisir les données et plus facile de se logger de manière anonyme (https://www.autistici.org/who/manifesto)
Bref rappel historique de l’utilisation d’internet
Alors que la gauche révolutionnaire a toujours été critique des médias de masse et de la télévision,
l’arrivée d’internet est venu bouleverser le discours et les pratiques. Le débat a longtemps fait rage
au sein de notre camp pour savoir comment utiliser ce nouvel outil. Internet a pu être perçu comme
un formidable outil d’émancipation et auto-organisation loin du pouvoir ; espace de libre diffusion,
information, échange : des nouvelles formes de militances se sont mises en place avec l’internet libre
(framasoft, riseup, etc..).
Puis avec l’apparition des réseaux sociaux est venue la question de la place que les groupes
politiques occupent sur ces mêmes réseaux. Alors que l’extrême-droite s’emparait massivement de ces outils
qui ont permis aussi de diffuser leurs discours (sur YouTube notamment), à gauche nous avions plus
de mal a identifier la bonne stratégie. La question était comment passer à côté d’un réseau permettant une diffusion de masse mais contrôle et biaise nos discours ?
La question aujourd’hui se pose de moins en moins et l’utilisation des réseaux sociaux est rentrée
dans les moeurs. Nous remarquons cependant une volonté grandissante de contrôle et de censure
de la part des États (menace de Macron de couper les réseaux pendant les émeutes suite au meutre de Nahel, censure des publications de soutien à la Palestine, etc..) qui viennent alimenter une nouvelle critique de leur utilisation.
Déconstruire la pensée dans laquelle les réseaux sociaux sont centraux pour nos luttes, et sortir des logiques de « divertissement »
Aujourd’hui, nous souhaitons privilégier Instagram comme un outil de diffusion de contenu provenant de notre blog notamment, et non plus comme une fin en soi. Nous ne souhaitons plus alimenter l’idée selon laquelle ce média est central pour la lutte.
Outil du capitalisme, Instagram appartient comme Facebook au groupe META et donc aux GAFAM. Il collecte des données pour les revendre, génère des millions grâce aux contenus postés : alimenter ce réseau à l’aide de contenu, c’est donc enrichir des multinationales. Dans cette logique, Insta favorise la performativité de posture militante, oubliant que nous avons besoin d’énergie IRL. Certains groupes ou individus militants se retrouvent pris au piège et se sont englués dans le militantisme virtuel et la course aux likes. Au point qu’il ne s’agit plus de militer pour un projet révolutionnaire concret, mais de générer du like avec de belles images, pour séduire des algorithmes basés sur une logique de concurrence capitaliste. Sont rendus visibles les posts qui font le plus de likes, de commentaires, de partages etc., encourageant ainsi les dramas, les clash virtuels, les « provocs », au risque de tomber dans l’activisme performatif ou « slacktivism ».
Instagram est un espace de symboles et d’images qui se prête peu à la réflexion et à la pensée
complexe. Son format, avec son nombre de pages limitées et son manque de lisibilité des textes postés notamment, laisse peu de place au recul critique, aux débats, à l’échange constructif et argumenté, ou à la nuance : la surinformation, la punchline, les memes, les « hot takes », réduisent le discours politique à du divertissement et le dépolitisent.
Enfin, les réseaux contribuent à la starification et personnification de la lutte avec des influenceur.euses militant.es. Ils font oublier l’importance des cadres de lutte collectifs, la lourdeur de certains aspects du travail militant, tout en rendant les personnes spectateur.ices de contenu. Cette « glamourisation » et la « consommation » des luttes se ressent dans la vie militante IRL, où certaine personnes s’engagent et se retirent devant la réalité pas toujours fun du labeur militant.
Sécurité, archivage … se libérer d’outils à la merci des idées dominantes
Instagram collecte nos données et peut également les transmettre aux keufs. S’organiser sur Insta et poster des vidéos / photos de manifs est une mise en danger des camarades. C’est un peu comme si on choisissait de faire une réunion militante devant un commissariat. Sans compter que pour se connecter, s’abonner ou commenter, Instagram ne laisse pas vraiment le choix de l’anonymat.
De plus Insta choisit de censurer ou de bannir des contenus en fonction de l’orientation politique. Nous l’avons vu récemment avec les soutiens à la Palestine censurés ou « shadow ban »
Insta ayant la mainmise sur les contenus nous ne sommes pas à l’abri qu’un jour notre page soit tout simplement supprimée, nous laissant sans archives. Si un jour Insta saute, nous n’auront plus de trace nulle part de nos activités, contenus, discours. La question des archives militantes nous semble peu sûre avec Insta, d’où la volonté de multiplier les supports.
Moins s’exposer à la violence en ligne et développer d’autres méthodes de communication
Les groupes militants présents sur les réseaux sociaux et les camarades fournissant un travail gratuit
sont au service d’une audience qui en attend toujours plus. Il faut se positionner sur tous les sujets, même dans l’urgence. Si le travail n’est pas à la hauteur, il y a une sanction parce que ‘l’audience n’est pas satisfaite ». Ici le follower est roi. Gare aux comptes qui ont eu le malheur de ne pas partager assez de stories sur tel sujet, de ne pas avoir posté suffisamment tôt tel événement ou de ne pas avoir utilisé le mot attendu à la virgule près. Gonfler son égo en écrasant les autres est plus facile sur internet.
Notre propre camp n’est pas épargné par ces pratiques, et il n’est pas rare de voir des différends
politiques s’afficher sur les réseaux sociaux, parfois dans des guerres de territoires virtuels assez
violentes. Comme tout compte militant, nous avons reçu des messages d’insultes et de menaces de la part de l’extrême-droite, mais aussi d’individu.es de notre camp politique au sens large, avec comme but assumé de nous silencier.
Tout ça contribue largement à épuiser les personnes qui veulent s’investir dans de réels réseaux de militantisme et de solidarité locaux. Pour autant ça ne fait pas avancer la lutte, contrairement à des rencontres et échanges avec des objectifs militants clairs.
Pourquoi on reste sur insta ?
Bagarre fait le choix, pour l’instant, de garder sa page Instagram. La question est la même qu’il y a 10 ans. Passer à coté d’une audience et une diffusion massive de nos idées et laisser la place aux discours de nos ennemis politiques nous paraît à l’heure actuelle une erreur stratégique. Nous essayons de sortir de l’entre-soi militant et de faire preuve de pragmatisme : l’internet libre, les sites militants doivent être visibilisés auprès d’un plus large public.
Un travail important est produit et diffusé par certains camarades sur les réseaux sociaux (campagnes massives telles que metoo, vulgarisation de théories politiques, débunkage, etc…). Une partie de la lutte s’y joue dorénavant, notamment en matière de solidarité, d’autodocumentation, de diffusion de nos récits … Instagram est souvent un espace de visibilité pour les personnes opprimées par la norme dominante (personnes LGBT+, personnes racisées, handi.es, gros.ses, etc..), et de solidarité comme le génocide actuel en cours en Palestine l’a démontré.
Ces aspects positifs n’empêchent pas d’être critique pour autant, de penser une meilleure articulation avec d’autre réseaux, hors GAFAM.
Notre page instagram nous servira donc désormais à visibiliser les articles, communiqués, brochures et autres textes en tout genre qui seront publiés sur notre blog qui devient notre outil de communication principal . De même, pour tout échange ou prise de contact nous privilégions les mails plutôt que les messages instagram, tu peux donc nous écrire à bagarretoulouse@riseup.net !